Les artistes et le monde


Dorothée Lebrun aux Rencontres photographiques d’Arles et à Visa pour l’image à Perpignan. Crédit Dorothée Lebrun

Notre premier livre s’inscrit dans une période historique de crise mondiale : la pandémie de Covid 19. Depuis cette période les atrocités de notre monde se sont multipliées de manière exponentielle. Comme de tout temps on peut s’interroger sur le rôle de l’artiste en temps de crise ? Contemplateur, acteur, témoin, …

L’approche de Dorothée Lebrun dans son livre Quand même Anyway Trotzdem, Lockdown fotografie du confinement a été celle du courant photographique documentaire né en Allemagne au début du siècle dernier.

  • Un de ses plus grands représentants, August Sander, a élaboré ainsi un travail de recensement Hommes du XXème siècle en faisant les portraits de ses contemporains.

Il a été suivi par de nombreux photographes, dont Irving Penn et Robert Doisneau, ainsi que Stefan Moses qui a inspiré ce travail.

La photographie documentaire a toujours une place de choix dans les pratiques artistiques des photographes, par exemple :

  • Eduard Alegre qui « donne un visage aux saisonniers » à l’Ille sur Têt, Les Hirondelles d’Ille
  • La série Hexagone de Eric Bouvet et Yan Morvan qui ont parcouru la France pendant 2 ans pour la série qu’est-ce qu’être français ?

 

Le propos de Dorothée Lebrun, dans cette série de portraits a été de redonner humanité et existance (ex-istance opposé à in-istance, jeu de mots d’Élise Vandel dans le livre) à une population qui avait pour ordre de rester close.

  • Nicolas Seurot, avec la série Confinés, a fait la démarche inverse : il est allé chez les gens, dans leur confinement, photographier l’attente.
  • Quant à Jean-Pierre Rey, c’est l’angoisse de la période qu’il a voulu fixer.

 

D’autres ont choisi de décrire le vide :

  • Gil Arrocena dans la nouvelle Un Etrange ravissement, Editions Lamia, accompagnée de photographies des rues de Ciboure vides : La narratrice se promène dans les rues vides et doit réinventer sa vie entre les 4 murs de son appartement et la cohabitation joyeuse avec son mari.

A nouveau sur le balcon, j’affronte le bleu du ciel. L’étoffe de ces jours légalement réduits à quelques mètres carrés approche les rêves de si près que je doute parfois d’être éveillée. Dans un calme inexorable, j’entends le goutte à goutte de l’éternité.

Très tôt, tous ces travaux documentaires ont pris une place dans l’histoire de cette période afin de garder des traces multiples de ce qui a été vécu. Les archives municipales d’Antibes, par exemple ont créé l’opération Mémoire de confinement.

D’autres ont exploité cette période pour saisir une nouvelle façon de travailler, à l’instar de Dorothée Lebrun. De la même manière que l’on a pu voir des personnes changer de profession et de vie grâce à ce temps long de réflexion après les premiers jours de sidération.

On se souvient des concerts live de Jean-Louis Aubert sur Facebook, les podcasts qui se sont multipliés et des nombreux rendez-vous en ligne qui n’ont pas servi qu’à travailler !

  • Des Oiseaux de Christophe Maout, éditions Atelier EXB, exposition à la galerie du Château d’Eau de Toulouse a tourné son appareil photo vers le ciel.
  • Émeric Lhuisset, dans Le Bruit du silence, Filigranes Editions, Résidence 1+2, voit l’accélération du retrait de l’Homme du monde dû au réchauffement climatique et un entame un dialogue avec les internautes à travers un questionnaire qui fait suite à son post « Non, nous ne sommes pas en guerre » du 24 mars 2020.
  • Dans cette interrogation sur le monde d’après, la compagnie du Théâtre du Soleil a créé le spectacle L’Ile d’Or:

En cas de malheurs, qu’on nous donne une île et sans tarder nous créerons un nouveau monde.

Ce panorama très parcellaire des pratiques artistiques autour de la pandémie nous permet de comprendre que ce « monde d’après » relève d’une utopie qui a pu prendre forme pendant cette parenthèse en dépit de la réalité.

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Campagne Ulule de financement participatif crowdfunding pour le livre photo de Dorothée Lebrun
Couverture du livre photo Quand même Anyway Trotzdem ayant pour thème le confinement de mars 2020 suite à l'épidémie mondiale du coronavirus ou Covid.